Rapport 64 - Conseil municipal du lundi 25 juin 2012
M. le Maire, chers collègues,
Lors du vote du budget primitif, M. Tourret et M. Moraine s’étaient comme de coutume auto-congratulés à propos de la notation de Marseille (AA-) alors que celle-ci est l’une des plus basses obtenues par une collectivité française.
Ils n’avaient pas hésité à nous lire quelques extraits, un petit peu choisis, du rapport des agences de notation.
Ils nous avaient d’ailleurs affirmé que celui-ci était mis en ligne, dans son contenu intégral. Je précise que ceci n’était pas exact et comme vous savez que nous sommes tenaces nous avons donc demander à M. l’Adjoint aux Finances de nous le communiquer, ce qui a été fait.
Et effectivement M Tourret a raison, la lecture de ce rapport est tout à fait passionnante. Je la recommande d’ailleurs à M. Moraine qui pourra ainsi perfectionner ses connaissances en matière budgétaire et financière.
Alors que dit cette agence de notation ?
Et bien Standard and Poor’s note que l’épargne de la ville était très insuffisante jusqu’en 2008 (ce que nous disions à chaque budget) et qu’elle s’est ensuite améliorée grâce à la hausse continue des impôts (ce que nous avions aussi noté).
Elle juge que la situation de liquidité de la ville est négative, ce qui est grave et expliquerait en partie les délais de paiement interminables dont se plaignent beaucoup d’entreprises.
Enfin elle indique que la pression fiscale à Marseille est dans la fourchette haute des grandes villes et que les marges de manœuvre sont aujourd’hui « très faibles ».
L’agence FichtRating ajoute quant à elle que le montant des autorisations de programme est « très important » (1480 millions € soit 7 fois la moyenne annuelle des dépenses) et (je cite) « exercera une pression sur les programmes d’investissement à venir ».
Passionnant comme je vous le disais, car mes chers collègues, ces 4 constats le groupe Faire Gagner Marseille les avaient dressés depuis longtemps. Et à chaque fois M. Moraine, en digne membre du barreau, les contestait le cœur sur la main, quitte à enjoliver un peu les chiffres et la réalité…
Mais revenons maintenant à quelques chiffres significatifs de ce compte administratif : 11% c’est la hausse globale des impôts en 2011 pour tous les contribuables, 87% c’est le taux de réalisation des investissements quand leurs dépenses directes stagnent; enfin 1.856 millions € c’est la dette consolidée qui augmente encore.
Voilà les points faibles de l’exercice.
Du côté positif, nous notons une maîtrise comptable des dépenses de personnel (objectif que nous partageons), mais qui pose des problèmes quant à son organisation, et j’y reviendrai. Enfin les frais financiers sont eux aussi maîtrisés même si les emprunts toxiques, ceux dont M. Tourret ignorait l’existence, font peser un risque non négligeable de plusieurs millions € de dépenses supplémentaires.
Ainsi, nous pouvons reconnaître de manière objective que le constat purement comptable est correct, mais derrière ces chiffres, il y a aussi une manière de gouverner et des choix de politiques publiques qui touchent directement la vie quotidienne des habitants. Et c’est précisément dans ce domaine que le bât blesse.
Nous le rappellerons encore et encore la diminution de l’abattement à la base a touché de plein fouet les contribuables les plus modestes à hauteur de 120 euros ce qui a conduit à une explosion des demandes d’exonération ou d’échelonnement.
La ville a alors encaissé en 2011 plus de 43 millions € d’impôts supplémentaires, mais pourrons nous savoir un jour à quoi a servi concrètement ce surplus de recettes ? Les problèmes de logement, de manque de places en crèche, des écoles surpeuplées ou de fermeture des piscines ont-ils connu des améliorations ?
Les marseillais ne le pensent pas et ils vous l’ont prouvé il n’y a pas si longtemps. A ce propos M Tourret je pense que vous devriez revoir votre positionnement quant à notre électorat reconnaissait qu’il va maintenant au-delà de celui qui ne paie pas d’impôt. Je vous conseillerai alors de lire autre chose que la seule presse autorisée dans notre ville, pour être dans la réalité.
La ville et l’Etat n’ont rien fait non plus concernant les inégalités scandaleuses en matière de valeur locative et j’espère que le nouveau gouvernement lancera rapidement cette réforme, certes complexe, mais indispensable en terme de justice sociale.
La stabilisation des effectifs municipaux se fait, comme d’habitude dans cette ville, sans concertation et dans une transparence toute relative. Cette absence de rigueur entraîne de réels problèmes dans un certain nombre de services. Piscines ou musées fermés faute de personnel, créneaux horaires restreints, parcs non gardiennés, équipements mal entretenus, conflits sociaux à répétition, autant de dysfonctionnements qui touchent la ville et ses habitants.
La gestion des ressources humaines reste, dans cette ville, opaque, soumise à des intérêts clientélistes et finalement inefficace. Le départ de certains hauts cadres témoigne bien du malaise qui règne, malgré quelques efforts de modernisation.
Il y a bien sûr ces fameux projets positifs, les mêmes depuis des années (je pense évidemment à l’opération Euromediterranée, au développement du tourisme et du nautisme, à Marseille Provence 2013…), mais globalement, notre ville ne fonctionne pas bien et la fracture sociale entre le Nord et le Sud n’a jamais été aussi évidente.
La crise du logement s’amplifie et handicape son développement économique. Le réseau de transport public a 20 ans de retard et ce n’est pas de la faute de M le Président Caselli qui multiplie depuis plusieurs années maintenant les initiatives pour rattraper ce retard. Le petit commerce périclite. Le chômage atteint 17,5% et plus souvent 25 ou 30% dans les quartiers défavorisés. L’industrie est en berne, à l’exception des filières liées aux activités portuaires qui restent l’atout majeur de notre ville.
Plus grave encore, l’esprit civique se délite et la volonté de vivre « entre soi », donc à l’abri des autres, progresse inexorablement et nous rendent alors comptable de l’ancrage du vote pour le Front National…
Bien évidemment notre ville est « pauvre » et elle manque donc de moyens financiers. Mais c’est avant tout du conservatisme, du laisser faire, des petits calculs politiciens, d’une gestion archaïque que Marseille souffre le plus.
Il faut revivifier le débat public dans notre ville et organiser de vraies concertations sur les sujets importants. Mes chers collègues, il n’y a vraiment qu’à Marseille que les élus reçoivent 4 cartons de documents, 5 jours avant de voter un PLU qui engagera la ville pour les 20 prochaines années. Et les citoyens, les CIQ ne sont pas dupes ils ont compris qu’ils ne seront consultés qu’en bout de course et parce que la loi vous y oblige et qu’il sera alors trop tard.
M le Maire, vous ne semblez pas avoir saisi que de nombreux marseillais souhaitent aujourd’hui être associés beaucoup plus étroitement aux décisions qui les concernent et que les « réseaux traditionnels » ne jouent plus, à eux seuls, ce rôle.
En donnant une nette majorité à la gauche, les marseillais ont signifié qu’ils n’étaient pas satisfaits de leur quotidien. Il y a indéniablement un avertissement qui vous est aussi adressé dans de nombreux quartiers car les mécontentements s’accumulent contre cette municipalité dont l’inertie, les faiblesses, et les divisions sont évidentes.
Lors du dernier conseil municipal M Moraine m’avait prédit le contraire il n’avait pas perçu à quel point l’envie de changement se ressentait à Marseille. Je pense qu’il a maintenant compris que notre groupe s’y prépare collectivement avec sérieux et détermination.
En attendant nous nous abstiendrons sur ce rapport…