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7 février 2011 1 07 /02 /février /2011 17:44

Voici mon intervention lors de la séance du conseil municipal de Marseille, du 7 février 2011 (débat d'orientations budgétaires 2011)

M. le Maire, Chers collègues,

nat-conseilmunicipal.jpgComme chaque année, vous nous proposez de débattre d’orientations budgétaires qui ne s’inscrivent pas, contrairement aux textes, dans une véritable programmation pluriannuelle. Celle-ci nous permettrait pourtant d’avoir une vision plus claire de vos objectifs à long terme et des moyens que vous envisagez pour les financer. Le montant des autorisations de programme atteint aujourd’hui plus de 1,8 milliard € alors que le budget d’investissement est de 220 millions par an soit « un stock » d’engagements d’environ 8 ans ! Nous sommes certainement la seule collectivité de France dans cette situation surréaliste. Comment ne pas s’étonner ensuite que de nombreux projets connaissent 2, 3 ou 5 années de retard ou soit carrément annulés à l’instar de la médiathèque à St Antoine…

Cette situation d’engagement et d’endettement massif a néanmoins une conséquence très concrète pour tous les habitants, c’est l’augmentation continue des impôts: +5% en 2004, +4,85% en 2005, +2,9% en 2006, 0% en 2007 et 2008 (allez savoir pourquoi), +4,9% en 2009, +2,9% en 2010 et enfin +15% pour la Taxe d’Habitation en 2011, tout cela sans compter la hausse votée chaque année en loi de finances pour compenser l’inflation et qui sera de 2% en 2011.

Aussi quand je lis dans ce rapport que (je cite) « consciente des efforts qu’elle demande à ses contribuables, la Municipalité veillera à ce que la hausse éventuelle des taux d’imposition ne soit en aucun cas supérieure à l’inflation », je me pince pour savoir si je ne rêve pas. Envisagez vous sérieusement de rajouter encore 1,5 à 2,5% à la purge que vous vous apprêtez à faire subir aux marseillais ?

85% des habitants vont recevoir en septembre leur taxe d’habitation augmentée uniformément de 120 euros et vous vous interrogez pour savoir si vous n’allez pas rajouter 30 à 40 euros à la facture ? Je pense sincèrement que vous n’avez pas bien pris conscience de l’état d’esprit de nos concitoyens, confrontés aux difficultés et révoltés par les inégalités croissantes. Faut-il rappeler, une nouvelle fois, que les seules personnes qui ne seront pas touchées par les hausses d’impôts seront les bénéficiaires du bouclier fiscal, ceux à qui le fisc envoie chaque année des chèques de 40.000 euros en moyenne pendant que d’autres font la queue pour demander un étalement de leur paiement.

Le matraquage fiscal que vous menez depuis 2002 va ainsi conduire notre ville à être pour 2011 en tête de toutes les grandes villes pour le montant moyen de la taxe d’habitation alors que nos concitoyens ont un revenu 15% inférieur à la moyenne.
Par contre, en matière de taxe foncière qui touche les propriétaires, nous restons inférieurs à la moyenne nationale. La Chambre Régionale des Comptes a noté cette différence de traitement et écrit « ce décalage entre les taux de TH et de TF revient à favoriser les marseillais sédentaires aux dépens des marseillais de passage ».
Or, ces « marseillais de passage » ce sont les étudiants, les jeunes travailleurs, les salariés des nouvelles entreprises, les fonctionnaires en mutation. C’est cette classe active et mobile qui constitue l’essentiel des 53% de locataires de notre ville. Et ce sont tous ces jeunes actifs que vous allez décourager de s’installer à Marseille avec un niveau de taxe d’habitation aussi prohibitif.

Les résultats du dernier recensement donnent d’ailleurs un éclairage bien particulier sur la soi disante « attractivité retrouvée » de notre ville. Ainsi en 2008, même si, je vous l’accorde, ce chiffre est sujet à caution en raison des nouvelles méthodes de recensement, Marseille aurait à nouveau perdu des habitants.
Mais ce qui est plus significatif encore, c’est de constater que la progression démographique de notre ville (soit plus de 5000 habitants par an) est très largement dûe au solde naturel (les naissances moins les décès) et non au solde migratoire qui est à peine positif.
En bref, il y a quasiment autant de gens qui quittent Marseille que, qui s’y installent en venant d’un autre département.
Au total, la croissance démographique annuelle de notre ville (+0,72%) est inférieure à celle du département (+0,8%), de la région (+0,9%) et à la quasi-totalité des grandes métropoles (+1% en moyenne et +1,5%, soit le double, pour Toulouse ou Montpellier).

On ne peut que relier ces mauvais chiffres à ceux du chômage. Avec 74.000 demandeurs d’emploi et un taux de 13,7%, (en hausse annuelle de 6,6 points), Marseille est quasiment au dernier rang des grandes villes. Et en terme d’emplois « supérieurs » qualifiés, l’INSEE vient de confirmer que notre métropole est la dernière parmi les 12 autres. Ceci explique qu’un certain nombre de diplômés, même natifs de Marseille, quittent notre ville pour trouver du travail ailleurs.

Mais d’autres facteurs nuisent encore à l’attractivité de Marseille : la pénurie évidente de logements bon marché, l’état préoccupant des équipements et des services publics, sans parler de l’insécurité quotidienne. Tous ces problèmes s’additionnent alors que le niveau des impôts locaux devient très lourd, ce qui fait dire à beaucoup de nos concitoyens « qu’ils n’en ont pas pour leur argent ». Et un certain nombre d’entre eux partent alors voir ailleurs, ce que confirme un sondage montrant que plus d’un marseillais sur deux rêve de quitter la ville.

Bien sûr il y a aussi des grands projets comme le stade ou l’extension, nécessaire, d’Euroméditerranée. Mais ces grands chantiers de plus en plus difficiles à financer, sont maintenant réalisés au détriment des équipements de proximité, comme en conviennent quasiment tous les maires de secteur.
Ce choix vous conduit aussi à recourir aux fameux « partenariats privés », payés sous forme de redevance pluriannuelle. Ces montages, sur lesquels nous n’avons pas d’à priori idéologique, correspondent néanmoins à un endettement déguisé supplémentaire qui sera de toute façon payé in fine par le contribuable.

Confronté à la situation financière que l’on sait, l’un de vos principaux objectifs est de réduire les frais de personnel et vous multipliez, de ce fait, les délégations de service public. Mais celles-ci consistent simplement à remplacer du personnel communal par du personnel sous statut privé. L’économie n’est donc pas vraiment évidente. Et en exigeant des délégataires qu’ils « compressent » leur coût, on en arrive bien évidemment à des situations de tension sociale comme en témoigne le conflit qui a éclaté concernant le choix de la SAGS sur le stationnement sur voirie.

Le personnel communal commence légitimement à s’inquiéter de ces privatisations, de ces réorganisations et surtout des restrictions budgétaires qui commencent à toucher le cœur même de l’activité des services.
Votre municipalité est ainsi confrontée à une contradiction évidente : votre discours louant «la performance du personnel communal» et « l’excellence du dialogue social » dans notre collectivité et votre action consistant à privatiser les services dés que vous le pouvez. C’est là, vous en conviendrez, un exercice difficile et qui n’est pas toujours fait pour motiver le personnel comme en témoigne un certain nombre de conflits sociaux ou de démissions…

Parmi les problèmes qu’affronte aussi notre ville, il y a une conjoncture économique et sociale très morose comme en témoigne là encore nombre de conflits sociaux et de fermetures d’entreprise à l’exemple de Fralib ou Net cacao (en espérant que Mme Biaggi sache de quoi nous parlons ?).

Nous trouvons, M. le Maire, que votre action en ce domaine n’est pas assez dynamique, fédératrice et volontariste. Nous avons bien conscience que le gouvernement ne vous aide pas vraiment avec ses coupes budgétaires désastreuses, ses décisions arbitraires et ses annonces jamais suivies d’effets. Il aura ainsi fallu que des CRS se mettent quasiment en grève pour que M. Hortefeux revienne sur une décision qui allait à l’encontre même, de ses déclarations de la veille !

Etant encore une jeune élue, je n’ai, M. le Maire, ni votre expérience ni votre sagesse, mais je ne vous cache pas que je suis de plus en plus inquiète de l’état général de notre ville et de l’ambiance morose qui y règne. Beaucoup d’acteurs associatifs ou économiques, et même certains responsables de votre majorité partagent cette inquiétude et se posent des questions sur l’avenir de notre métropole.
M. Pfister, Président de la Chambre de commerce ne parle-t-il pas de Marseille comme d’un « grand corps malade » ?

Le rapport d’orientations budgétaires que vous nous présentez aujourd’hui n’est pas à la hauteur des enjeux et des problèmes qu’affronte Marseille pour retrouver un fonctionnement « normal » et accéder au Top 20 des capitales européennes.
Il comporte bien évidemment quelques projets intéressants, quelques bonnes intentions, et surtout beaucoup de belles déclarations (dignes de cette « pensée magique » dont je vous avais parlée l’année dernière).

Il ne dresse aucune perspective à long terme et n’aborde jamais le problème du financement pluriannuel des grands projets et de tous les engagements annoncés. Au delà d’un manque évident de moyens, c’est surtout votre absence de stratégie claire et votre incapacité à dialoguer, à mobiliser et à dynamiser les grands projets que notre groupe dénonce une nouvelle fois.

Pour terminer ce document passe enfin complètement sous silence la mesure inique et injuste que vous vous apprêtez à infliger à 85% des marseillais avec une augmentation de 120 euros de leur taxe d’habitation alors qu’aucun service supplémentaire significatif ne leur sera rendu. Il augure donc bien mal du budget qui sera présenté à notre assemblée au mois d’avril ainsi que des suivants.

Je vous remercie.

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